"Établir des barrières", Romain Schneider au sujet de la décision ministérielle concernant les exploitants d'usine à biogaz

Christiane Kleer: Les exploitants des usines à biogaz ont été surpris par votre récente décision ministérielle. Quels ont été vos motifs?

Romain Schneider: Cette décision a été rendue nécessaire suite à une série d'évolutions malsaines dans le secteur. Je pense au problème des monocultures, mais aussi à un certain tourisme de déchets, si je puis m' exprimer ainsi. Saviez-vous, par exemple, que des camions entiers d'huile à friture ont été livrés de Belgique pour alimenter certaines de nos usines?

La production de biogaz a été conçue afin d'exploiter les potentiels régionaux. Il a donc fallu établir des barrières, afin de protéger les intérêts d'une agriculture durable, mais également ceux de l'environnement et de la biodiversité.

Christiane Kleer: Comment?

Romain Schneider: Nous devons, par exemple, assurer que le digestat (NDLR : fertilisant) qui sort des usines et qui est utilisé comme engrais, ne contienne pas de matières dangereuses, ni pour la santé des consommateurs, ni pour nos cours d'eau. Dans ce contexte, nous sommes d'ailleurs soumis à des directives européennes.

Christiane Kleer: Pourquoi n'avez-vous pas consulté les concernés avant d'émettre votre décision?

Romain Schneider: Le 19 janvier dernier, j'ai participé à une table ronde sur le biogaz où tous les acteurs étaient présents. Nous y avons abordé toute une série de sujets qui ont plus tard été intégrés dans la décision ministérielle en question. Et à l'époque, j'avais l'impression qu'il existait un large consensus sur ces thèmes.

Christiane Kleer: Selon nos informations, les producteurs s'opposent fermement à votre décision. Certaines exploitations dépendraient, par exemple, des importations...

Romain Schneider: Il existe effectivement un problème de saturation, dû au nombre élevé d'usines à biogaz dans le pays. Mais, encore une fois, les problèmes sanitaires, phytosanitaires et de pollution des eaux qui peuvent apparaître avec certaines matières, pourraient mettre en péril notre agriculture.

Christiane Kleer: Votre décision n'hypothéquerait-elle pas l'avenir du biogaz et les objectifs que le gouvernement s'est fixés à l'horizon de 2020?

Romain Schneider: Au contraire. L'avenir du biogaz ne peut être assuré que dans un cadre régional et durable. Et c'est ce que nous garantissons par notre décision ministérielle. Le biogaz est sans doute un des pivots de l'agriculture. Mais le paysan est avant tout responsable pour la qualité des aliments et la préservation des paysages. D'ailleurs, il ne faut pas oublier que cette décision concerne uniquement les aides à l'investissement dont un agriculteur peut profiter quand il prévoit de construire ou d'agrandir une usine à biogaz. D'autres aides peuvent être perçues auprès du ministère de l'Economie et du ministère du Développement durable.

Christiane Kleer: Que représentent ces aides dans le budget de votre ministère?

Romain Schneider: Dans le programme de développement rural (PDR) qui est en vigueur depuis 2007 et jusqu'en 2013, les aides à l'investissement déployées au profit des producteurs de biogaz représentent jusqu'à ce jour la somme substantielle de 20,5 millions d'euros. Il s'agit donc d'un volet considérable. D'ailleurs, comparées à nos pays voisins, nos aides à l'investissement sont plus élevées.

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