"Je suis plus limité mais pas bloqué", Romain Schneider au sujet de l'agriculture, du sport et de l'économie solidaire

Le Quotidien: Le projet de budget 2013 a été présenté mardi. Etes-vous satisfait des arbitrages concernant les ministères dont vous avez la charge?

Romain Schneider: Tout d'abord, je souhaiterais souligner que j'ai essayé, comme tous les autres ministres, de faire mon devoir. C'est-à-dire d'économiser en premier lieu au niveau des frais de fonctionnement. Par ailleurs, j'ai aussi essayé comme les années précédentes de mettre des priorités au niveau des trois politiques dont j'ai la charge. Des priorités qui ont été prises en compte dans le budget. Je suis certainement plus limité qu'auparavant mais je ne suis pas bloqué. L'année a été plutôt mitigée dans l'agriculture.

Le Quotidien: Pensez-vous que l'Etat devra intervenir financièrement dans les prochains mois pour venir en aide aux agriculteurs?

Romain Schneider: Je pense que la situation est cette année plus équilibrée dans l'agriculture qu'en 2009 (NDLR: crise du lait) ou que l'année dernière (NDLR: sécheresse). Assurément, les situations divergent en fonction des secteurs mais, globalement, je pense que les recettes des agriculteurs sont plus équilibrées qu'en 2009 et que l'année dernière. Elles sont relativement élevées. Le seul point noir au tableau est le prix du lait, qui n'en est toutefois pas au niveau de 2009 où il avait chuté à 21 cents. On est descendu à un moment à 26 cents.

Mais entre-temps, on est remonté et en ce moment, on tourne autour de 28-29 cents. Ce sont des prix qui s'approchent à nouveau d'une fourchette prise entre 30 et 35 cents où les agriculteurs ne font, bien sûr, pas d'énormes bénéfices mais qui sont néanmoins supportables. Là où nous avons de très bons prix cette année, c'est au niveau des céréales et de la viande. En ce qui concerne les dépenses, le prix élevé des céréales devient une charge pour les agriculteurs qui doivent les acheter, évidemment. Mais je pense que, de manière générale, les dépenses supplémentaires s'équilibrent par les recettes supplémentaires. On a eu peur pendant un moment à cause de la pluie qui empêchait les récoltes mais depuis quelques semaines, la situation s'est détendue.

Le Quotidien: Les producteurs de lait réclament un atterrissage en douceur en vue de la libéralisation du secteur annoncée pour avril 2015. Est-ce encore envisageable?

Romain Schneider: Le gouvernement luxembourgeois ne s'est pas lasse de répéter à chaque occasion que la Commission devrait abolir le prélèvement supplémentaire (NDLR: pénalités pour dépassement des quotas) dans une phase transitoire (NDLR: jusqu'à la libéralisation) parce qu'on ne peut évidemment pas ouvrir et fermer le robinet comme ça avec une vache. Pour augmenter la production, il faut y aller progressivement. Ce que nous empêchent actuellement de faire les quotas qui sont toujours en vigueur. Mais au niveau européen, nous sommes relativement isolés sur cette question. Peu de pays veulent emprunter cette voie. Nous continueront à plaider notre cause mais je crains que nous nous heurtions là à de sourdes oreilles

Le Quotidien: Ne craignez-vous pas que cette libéralisation entraîne une explosion de la production, et donc une chute des prix, comme le craint lune des organisations de producteurs?

Romain Schneider: C'est une crainte qui peut se comprendre et dont il faut bien sûr débattre. Mais je pense que la production, aussi bien au Luxembourg qu'en Europe, est en soi limitée. Nous disposons seulement d'un certain nombre d'hectares. Il existe également une série de critères environnementaux. Ainsi, je pense que la production se retrouve limitée par elle-même. Il a été évalué que d'ici 2020, une augmentation optimale des capacités avait lieu, la production de lait n'augmenterait que de 6% en Europe. Quand au marché mondial, on prévoit une augmentation de la demande de l'ordre de 10 à 12%. Elle devrait donc rester supérieure à l'offre.

Le Quotidien: En ce qui concerne la réforme de la politique agricole commune qui est en préparation, quels en sont, pour vous, à l'heure actuelle, les enjeux?

Romain Schneider: Les grands axes sont connus: garantir la sécurité alimentaire des Européens, gérer durablement les ressources naturelles - ça c'est nouveau - et assurer un développement équitable des territoires. Il s'agit à présent de voir comment c'est transposable dans la pratique. Il faut, pour moi, que ces trois critères fonctionnent ensemble et non de manière parallèle. Si on dit par exemple que l'on préserve davantage les ressources, cela ne doit pas aboutir à ce que les agriculteurs voient leurs revenus fondrent. Il faut trouver un équilibre entre ces trois axes. Et j'ai l'impression que c'est effectivement la direction qui est en train d'être prise au niveau européen.

Le Quotidien: Passons à votre second ressort ministériel: les Sports. Qu'en est-il du stade de football?

Romain Schneider: Pour le moment, il y a toujours une motion du parlement qui demande à ce que le gouvernement continue à travailler sur le projet de stade Livange. C'est le plan A. Je sais que le promoteur continue à y travailler et qu'il nous présentera vraisemblablement, dans un avenir proche, un plan. Mais au vu des discussions qui sont en cours, on se rend compte que ce dossier se présente de manière assez difficile. Et j'ai donc estimé en tant que ministre responsable qu'il faudrait envisager une solution B. Dans l'hypothèse où Livange n'avancerait plus et qu'on décidait d'y renoncer, il nous faut élaborer autre chose. D'où ma démarche d'aller vers la Ville de Luxembourg, où se trouve le stade actuel.J'ai demandé au collège échevinal s'il y avait une disponibilité en vue de rénover le stade selon les critères de l'UEFA et de la FIFA. Et celui-ci m'a clairement dit que c'était faisable.

Le Quotidien: Si le plan B était retenu, en quoi consisterait la rénovation?

Romain Schneider: L'objectif est de disposer d'un stade adapté à notre époque. Il faut faire en sorte de remplir tous les critères de l'UEFA, c'est-à-dire, par exemple, avoir une capacité d'accueil couverte pour 8.000 à 10.000 spectateurs, des infrastructures modernes pour les joueurs, les arbitres, les délégations, le contrôle anti-dopage ainsi que des conditions améliorées pour la presse notamment au niveau de la retransmission des matchs - et des loges. Cela signifie aussi, pour rendre le jeu plus attractif et qu'il soit encore davantage une fête, que les spectateurs soient plus proches du terrain. Donc, plus de piste d'athlétisme comme dans tous les stades modernes. J'ai pris contact avec la Fédération luxembourgeoise d'athlétisme et le club de la capitale, le CSL, qui m'ont dit qu'ils ne s'y opposaient pas s'il y avait la possibilité d'aménager ou de moderniser une piste autre part. L'INS au Cents est une possibilité. Mais il y en a d'autres.

Le Quotidien: On assiste récemment de plus en plus fréquemment à des exploits sportifs au niveau international venant d'athlètes luxembourgeois. Le football est à cet égard peut-être emblématique. Comment expliquez-vous cette évolution?

Romain Schneider: On le remarque au niveau du football mais aussi au niveau des jeux olympiques et des Jeux des petits Etats d'Europe. Nous récoltons enfin les fruits d'une politique sportive ciblée qui a été menée dans les fédérations et les clubs. Une série d'acteurs y ont contribué le COSL a fait un excellent travail, nos services également. Et puis il y a certains éléments qui ont été introduits. Le Sportlycée, par exemple, est une plateforme très intéressante pour stimuler les talents des jeunes sans qu'ils négligent leurs études. Cela apporte quelque chose aux sports collectifs et aux sports individuels. Il y a aussi l'école du football à Mondorf où, dès le départ, on a mis en place un staff qualifié. Et on essaie désormais aussi de se comparer très tôt au niveau international. Tout cela porte ses fruits à un moment ou à un autre. Il y a une part de chance bien-sûr aussi. Mais l'évolution est positive. On le remarque également en natation, au judo, au karaté, dans le tennis de table, au basket-ball maintenant, dans le volleyball et dans des sports individuels. Et j'ai tenu à ce que, dans mon budget, on entretienne cette dynamique, à ce que les fédérations gardent leurs subsides.

Le Quotidien: En ce qui concerne l'économie solidaire, vous travaillez actuellement à un projet visant à introduire un statut juridique spécifique. Quelle est la visée?

Romain Schneider: L'économie solidaire est actuellement composée d'une série d'acteurs qui n'ont pas tous le même statut. Il y a des associations, des coopératives, des fondations, des mutuelles, des initiatives pour l'emploi... Le périmètre est relativement large. Et pour l'instant, pour de nombreux acteurs de l'économie solidaire, le financement reste en grande partie public. Si on veut que l'économie solidaire devienne une nouvelle niche économique - elle représente actuellement 10% des emplois en Europe-, on doit aussi, au Luxembourg, faire en sorte que ces emplois ne soient pas simplement des emplois de réinsertion mais qu'ils deviennent durables. Cela signifie également qu'il faut donner la possibilité à ces entreprises d'être viables financièrement par elles-mêmes tout en restant sans but lucratif. C'est-à-dire que les bénéfices ne vont pas à des actionnaires mais restent dans la structure où ils sont réinvestis. C'est précisément ce à quoi nous travaillons: la création d'une structure combinant à la fois l'aspect commercial d'une entreprise classique et l'aspect non lucratif, qui s'inscrit donc dans une démarche clairement sociale et solidaire.

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